La distinction est courante entre convaincre et persuader, laquelle peut conduire à opposer la raison aux émotions. Ainsi, pour convaincre on s’appuierait sur un argumentaire raisonné sans trace d’affect, alors qu’il faudrait user de ressorts émotionnels quant à persuader son auditoire. Dès lors, au sein d’un environnement professionnel, comme à propos du contrôle et de l’audit, il conviendrait plutôt de privilégier la conviction par rapport à la persuasion. Cette dernière d’ailleurs est parfois assimilée à une forme de manipulation qui ne dit pas son nom. Pourtant, est-il possible d’écarter toute émotion de toute entreprise visant à emporter l’adhésion de ses interlocuteurs, fût-ce t-il pour des sujets strictement professionnels ? Le champ émotionnel ne serait-il réservé qu’aux seuls échanges personnels, en renvoyant chacun à son intimité ? Le débat entre raison et émotion ne date pas d’aujourd’hui. Il anime depuis tout temps la philosophie, des premiers penseurs grecs jusqu’aux réflexions contemporaines, à propos du rapport entre l’âme et le corps. La science également s’est emparée du sujet. La neuropsychologie en étudiant les relations entre le fonctionnement du cerveau et les comportements humains s’intéresse particulièrement aux interactions entre la raison et les émotions. A ce titre, les réflexions philosophiques et les recherches scientifiques laissent à penser que la raison et l’émotion ne sont pas irréductiblement séparables par une frontière distincte que nous pourrions franchir à notre gré selon les situations. Autrement dit, point d’argumentaire sans charge émotionnelle. Dès lors, convaincre ou persuader ? Ou plutôt convaincre et persuader ? Dans tous les cas, pour emporter l’adhésion de son interlocuteur, il s’agit de s’engager totalement, tant le corps et l’esprit s’il fallait les distinguer. En bref, Il s’agit aussi bien d’être convaincant que persuasif.
Être tout à la fois convaincant et persuasif est plus une question d’état d’esprit que de technicité. Il ne s’agit pas d’enfermer son interlocuteur avec des procédés présentés aisément - parfois fallacieusement - comme éprouvés, mais de le considérer comme dépositaire d’un avis qui n’est pas le nôtre. Convaincre n’est pas vaincre. L’argumentation n’est pas une arme. Dire les choses de façon émotionnée ne vise pas non plus à atteindre son interlocuteur, mais à réduire la distance nous séparant. Être convaincant, c’est ainsi aller vers l’autre. Non l’amener à soi. Cette orientation, cependant, n’exclut pas d’office certaines résistances. Montrer activement son intérêt pour autrui ne suffit pas bien-sûr à obtenir de fait son adhésion. D’ailleurs, être convaincant, n’est-ce pas avant toute chose persuader son interlocuteur d’être prêt à être convaincu ou pas, ceci quel qu’en soit l’issue ? Sans intention partagée de débattre, nul doute que tout argument ne sera finalement qu’un écho sans effet…
Être convaincant implique également d’être convaincu. C’est là une banalité que de le dire. Pourtant, cette lapalissade a le mérite de nous interroger sur la dimension éthique de toute démarche cherchant l’adhésion sans être convaincu soi-même du contenu. Il peut d’agir dans tel cas de manipulation, ou de marche forcée. Ou peut-être encore d’une forme de nonchalance. Imaginons un métier pour lequel les individus l’exerçant sont conduits très régulièrement à convaincre une multitude d’interlocuteurs. N’y-a-t ‘il pas dès lors un risque que l’exercice visant à convaincre et persuader ne se transforme en une habitude le dévitalisant ? Le contrôleur ou l’auditeur, car c’est de lui dont il s’agit dans notre exemple, ne s’expose-t-il pas alors à une perte d’influence, pire à perdre en crédibilité ? Pour éviter cela, si risque il y a, une posture : rester convaincu !
Pour rester convaincu, le contrôleur ou l’auditeur peut s’appuyer sur les trois principes suivants :
- Faire progresser : chercher à convaincre n’est pas chose aisée car ceci implique de se remettre en question à chaque échange contradictoire. Cette impermanence est cependant un levier de progrès. Elle oblige en effet à développer des capacités d’adaptation, puisqu’aucune réunion de conclusions n’est pareil à une autre, et de créativité car les comportements humains sont aussi divers qu’il y a d’individus s’exprimant. En outre, en plus de rester convaincu, on est plus convaincant en laissant penser que le débat s’inscrit dans une démarche de progrès pour toutes celles et ceux y participant. On est très certainement plus disposé à se laisser convaincre si on peut en tirer parti !
- Conclure un travail abouti : convaincre ses interlocuteurs est nécessaire pour le contrôleur ou l’auditeur car c’est une condition pour une meilleure maîtrise des risques par l’organisation. Cette nécessité est la conclusion d’un travail systématique et méthodique qui devient abouti si les personnes concernées soint convaincues. En se montrant peu convaincant, le contrôleur ou l’auditeur met implicitement en cause la qualité de ses investigations ;
- Accroître son aisance relationnelle : chercher à convaincre est une pratique exigeante en termes de communication orale. Elle implique que les mots employés soient justes, que la tonalité soit rythmée et soutenue, que la posture et la gestuelle soient en harmonie avec le discours. Il s’agit donc d’une activité complète et sans fin sur le plan relationnel. En prêtant attention à la richesse de cet exercice, on ne s’use jamais quant à vouloir convaincre, ou persuader, bien au contraire !
Jean-François Caron - Président de la SAS FormaConseils (www.formaconseils.org)
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