L'opposition entre l'économie réelle et la sphère financière est-elle justifiée ?
Le débat économique porte régulièrement sur la différence entre économie réelle et sphère financière. On entend dire de la seconde qu’elle serait responsable de tous les maux de la première, avec pour exemple la dernière crise de 2008 ayant traversé la planète et dont les effets perdurent encore. Ce discours se fait l’écho des partisans d’une finance profondément encadrée, voire pour certains nationalisée. A l’inverse, d’autres opinions se font entendre pour défendre un système financier qu’elles considèrent essentiel à la bonne marche de l’économie à condition de ne pas l’entraver par des règles trop restrictives. Les positions des uns et des autres sont ainsi bien souvent tranchées, comme s’il existait une frontière nette et distincte entre une économie dite réelle et une sphère financière indépendante. Les deux seraient d’ailleurs inconciliables sauf à soumettre l’une à l’autre. Pour autant, ces conclusions ne sont-elles pas excessives ? Les termes du débat nécessitent de se poser la question quant à la réalité d’une telle séparation volontiers présentée comme dichotomique. Qu’est-ce que l’économie réelle ? Qu’est-ce que la sphère financière ? Sont-elles par nature inconciliables jusqu’au point de valider leur opposition ?
Le circuit économique pour expliquer la différence entre économie réelle et finance
La méthode d’analyse consistant à représenter l’économie sous forme d’un circuit est intéressante pour différencier ce qui relève du réel et ce qui appartient au financier. Cette représentation est une schématisation de l’ensemble des flux entre les agents économiques. Elle s’appuie sur le postulat que l’économie résulte de la somme des échanges entre les entités, personnes physiques et/ou morales. Le circuit économique simplifié se présente de façon suivante :
On constate qu’il y a différents types d’agents économiques : ménage, entreprise, administration publique, banque. Ces agents entretiennent les uns avec les autres des relations destinées à satisfaire mutuellement des intérêts isolément contradictoires pour nombre de points mais néanmoins globalement complémentaires. A titre d’exemple, un ménage consomme avec l’optique de dépenser le moins possible pour un maximum de satisfaction. L’entreprise elle cherchera à dégager de ses ventes le profit le plus élevé qui soit. Mais au-delà de ces contradictions, chaque relation entre agents se caractérise par deux types de flux, l’un réel et qui correspond au bien ou au service transmis, l’autre financier compte tenu de l’emploi de la monnaie comme instrument d’échange. La distinction entre économie réelle et sphère financière est basée sur cette décomposition.
Dans le cas où les échanges sont réduits à la transmission d’un bien ou d’un service en contrepartie d’une quantité de monnaie selon un prix, l’économie réelle et le monde de la finance ne font en quelque sorte qu’un. Ils sont les deux faces d’une même pièce. Certains économistes disent d’ailleurs que la monnaie est sans impact sur l’économie, qu’elle est juste un instrument facilitant les échanges, que les agents économiques font circuler finalement des biens et des services contre d’autres biens et services. Sauf que toutes les opérations économiques ne sont pas réductibles à ce seul cas de figure. Il est possible que deux parties s’entendent pour échanger de la monnaie contre de la monnaie. Dans cette situation aucun flux réel n’est en jeu, seule la finance est concernée. Ce genre d’opérations concernent par exemple le marché des devises, ou encore les instruments financiers négociés entre établissements bancaires.
Economie réelle et finance à fois complémentaires et opposables
En soi, échanger de la monnaie contre de la monnaie n’a rien de critiquable. Ce marchandage est d’ailleurs nécessaire à l’économie réelle même si elle n’est pas directement concernée. En effet, s’agissant des devises, l’ouverture internationale des économies oblige à transformer de la monnaie nationale contre de la devise étrangère. Lorsque les banques, elles, négocient ensembles des produits financiers, elles le font pour se couvrir contre nombre de risques inhérents à leurs activités. Ainsi protégés, les établissements bancaires sont plus sûrs et peuvent en conséquence développer leur offre auprès de la clientèle. Dans ces deux cas exposés, la sphère financière s’auto-entretient pour servir au mieux les opérations économiques ordinaires. Opposer ici finance et économie réelle est hors de propos.
Par contre, dès lors que les flux monétaires sont une finalité et non plus un moyen à la disposition des affaires, une fois que la volumétrie de ces flux excède les échanges commerciaux, alors la finance l’emporte sur l’économie réelle jusqu’à la conditionner. S’agissant des devises, plus les volumes de l’offre et de la demande sont élevés, plus la valeur des monnaies est exposée à des variations d’importance. Ces amplitudes en jargon financier sont désignées comme la volatilité. Celle-ci n’est pas sans conséquence sur le commerce mondial puisqu’elle est source d’incertitude et elle impacte le prix des exportations comme des importations. Concernant les instruments échangés entre les banques, si l’intention de gestion à l’origine de la négociation n’est pas de couvrir des risques mais de réaliser des gains à partir de variables de marché, autrement dit de spéculer, l’économie réelle n’en tire aucun bénéfice. Pire, elle en souffre lorsque les établissements bancaires privilégient ce type d’opérations au lieu de financer les agents économiques, ou lorsqu’ils subissent des pertes seulement absorbables par les Etats…
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benoitmignot@yahoo.fr (dimanche, 05 janvier 2020 12:15)
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Salifou lindou mvuh (mardi, 19 janvier 2021 10:08)
Bonjour